_C’est exactement le goût du blues, dit-il. De ce blues-là même. C’est fort, votre invention, vous savez.
_Oui, dit Colin, ça marchait très bien.
_Vous savez, dit l’antiquaire, je vais sûrement vous en donner un bon prix.
_J’en serais très content, dit Colin. Tout marche mal pour moi, maintenant.
_C’est comme ça, dit l’antiquaire. Ca ne peut pas toujours aller bien. Si je jouais ‘Misty Mornin’ ? Est-ce que c’est bon ?
_Oui, dit Colin, ça rend formidablement, ça donne un cocktail gris perle et vert menthe, avec un goût de poivre et de fumée.
Boris Vian, "L'écume des jours"
Le pianocoktail est un piano préparé.
Un piano arrangé de quelques alcools et entonnoirs.
Un piano rallongé d’une meule à Musique, d’un violon à roue, d’un poivrier-sonnette, d’une chaîne de vélo et autres dérailleurs…
Ses musiques dérivent, grincent et se déglinguent comme l’ivresse d’une fin de nuit.
Le pianocoktail est un bar avant toute chose : pour que le pianiste joue, il faut que les gens boivent. Le piano se charge du reste. Un trille bien placé mélangera le rhum au sirop de sucre de canne et la dose de téquilla sera déverséé par un fa dièze.
Chaque coktail a sa Musique : on choisit un alcool... ou une mélodie…(voir le menu) et on passe commande au pianiste.
Il existe des coktails sans alcool pour les enfants et les femmes enceintes.
Et pour les fins de soirée, on peut goûter au cercueil : une gouttière qui récupère les fausses notes, les balles perdues, les doses de vodkas égarées et les giclées de jus de gingembre…